Revirement de jurisprudence important de la Cour de cassation concernant les conditions de mise en œuvre de la garantie décennale pour les biens d’équipement
Dans un arrêt du 21 mars 2024, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation renonce à sa jurisprudence établie depuis 2017 et décide que les désordres affectant un élément d’équipement installé en remplacement ou par ajout sur un ouvrage existant, et qui ne constitue pas en lui-même un ouvrage, ne relève ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, ni de la garantie décennale. Et ce, quelque soit le degré de gravité des désordres concernés. Ces désordres relèvent désormais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.
La Cour de cassation expose les raisons de ce revirement dans sa décision : les objectifs qu’elle souhaitait atteindre avec sa précédente jurisprudence du 15 juin 2017 n’ont pas été atteints (uniformisation des régimes de garanties applicables et meilleure protection du maître de l’ouvrage), notamment parce que les installateurs d’équipements susceptibles de relever de la garantie décennale n’ont en réalité pas plus souscrit qu’auparavant à l’assurance obligatoire des constructeurs. La Cour en conclut que « la jurisprudence initiée en 2017 ne s’est donc pas traduite par une protection accrue des maîtres de l’ouvrage ou une meilleure indemnisation ».
Le champ de la garantie décennale (et de la souscription de l’assurance correspondante) est ainsi considérablement réduit.
Le maître de l’ouvrage devra désormais apporter la preuve d’une faute contractuelle et que cette faute est à l’origine de son préjudice.
Encore faudra-t-il que le bien d’équipement ne soit pas considéré lui-même comme un « ouvrage » pour échapper au régime décennal. Les débats sur la notion d’« ouvrage » pourraient dès lors s’intensifier …
Ecarter la garantie décennale et son régime d’ordre public laissera, par ailleurs, davantage de place à la liberté contractuelle.