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Un avis négatif sur internet ne constitue pas la preuve d’une faute du voyagiste

La preuve, selon Jean Domat, est « ce qui persuade l’esprit d’une vérité » (N. Mathey, JCl. Contrats, Fasc. 101, n°3 citant J. Domat, Les Loix civiles dans leur ordre naturel 2e éd., t. II, 1691, p. 346.). « Elle constitue, ainsi, la base de tout procès et la condition sine qua non d’une bonne administration du système judiciaire » (D. Thomas, Les transformations de l’administration de la preuve pénale).

Dans le cadre d’un procès civil, il revient à chaque partie, en vertu des dispositions de l’article 9 du Code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Ce principe général du droit civil s’applique aux forfaits touristiques et la jurisprudence a eu l’occasion de rappeler que la responsabilité qui pèse sur les voyagistes ne dispense pas le voyageur « de prouver le manquement de l’agence ou de ses prestataires de services aux obligations prévues au contrat de voyage et le préjudice subi » (CA Aix-en-Provence, 19 déc. 2019, n° 17/08313).

Or, depuis l’émergence des avis sur internet, certains requérants produisent, au soutien de leurs prétentions, des avis négatifs publiés au détriment du voyagiste contre lequel ils agissent, en pensant démontrer l’existence d’une faute du voyagiste dans le cadre du litige qui les oppose.

Fort heureusement, ce procédé, visant généralement à pallier une carence probatoire, n’est pas admis par la jurisprudence et la cour d’appel de Versailles a pu rappeler qu’un avis publié sur internet n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un manquement du voyagiste (CA Versailles, 12 nov. 2019, n° 18/02139).

C’est dans ce contexte qu’une décision du tribunal judiciaire de Nîmes, dans une affaire où Maître Dimitri Chakarian défendait les intérêts d’un tour opérateur, nous a semblé mériter une attention particulière.

En effet, dans le cadre d’un litige où un voyageur prétendait prouver la médiocrité des prestations hôtelières en produisant des avis négatifs d’autres clients, alors que le voyagiste soutenait le contraire, au soutien également d’avis publiés, mais positifs, le tribunal judiciaire de Nîmes a refusé, à juste titre, de prendre en compte ces avis, en rappelant expressément et clairement le principe :

« outre le fait que l’ensemble de ces avis demeurent intimement liés à l’expérience nécessairement subjective de chacune des personnes les ayant émis, ils ne peuvent utilement constituer de manière intrinsèque des éléments probants dans le cadre du présent litige en faveur ou au détriment de l’une ou l’autre des deux parties liées par un contrat qui leur est propre et singulier » (TJ Nîmes, 19 déc. 2023, RG n°20/03310).

Un rappel qui a le mérite de recentrer le débat et de couper court à ce procédé inique.

Dimitri Chakarian