Au sein d’une société par actions simplifiée, les décisions collectives doivent être prises à la majorité des voix exprimées (Arrêt du 15 novembre 2024 – Pourvoi n°23-16.670)
Par une décision très attendue rendue ce jour, la Cour de cassation s’est prononcée en assemblée plénière sur la question de savoir si les statuts d’une SAS peuvent autoriser qu’une décision collective d’augmentation de capital soit validée, même si les actionnaires favorables à cette opération sont minoritaires.
En l’espèce, une société par actions simplifiée avait décidé, en assemblée générale, d’augmenter son capital par l’émission de nouvelles actions. Cette décision a été prise malgré une majorité d’actionnaires opposés à l’opération (229 313 voix « pour » contre 269 185 voix « contre »). Les statuts de la société permettaient néanmoins d’adopter des décisions collectives sans majorité, dès lors qu’un seuil spécifique était atteint (au cas présent, un tiers des droits de vote).
Certains associés, opposés à cette augmentation de capital, ont formé un recours aux fins d’obtenir la nullité de la résolution litigieuse. La cour d’appel a de prime abord rejeté leur demande, avant que la chambre commerciale de la Cour de cassation ne censure cette décision, considérant que « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés ». Lors du renvoi, la cour d’appel a toutefois maintenu son appréciation et la validité du seuil prévu par les statuts. Saisie de nouveau par certains associés, la Cour de cassation a définitivement tranché cette question en assemblée plénière et estimé qu’au sein d’une SAS, les décisions collectives doivent être prises à la majorité des voix exprimées et que les statuts ne peuvent en conséquence prévoir une règle de vote contraire à ce principe. La délibération litigieuse prise en assemblée générale est en conséquence annulée.
Comme le rappelait la Cour de cassation lors de son audience en date du 11 octobre dernier, deux conceptions de la SAS étaient mises en lumière par la présente affaire. Une première fondée sur la liberté contractuelle qu’offre ce type de société (ce qui explique en partie sa popularité) et l’application du principe « tout ce qui n’est pas interdit est permis », au risque de renforcer les pouvoirs des dirigeants ou des associés minoritaires au détriment des associés majoritaires. Une seconde conception s’appuyant sur une appréciation littérale des décisions collectives, suivant laquelle la prise de décision en collectivité permet de départager les partisans et les adversaires et qu’en conséquence une minorité ne pouvait imposer ses vues à des associés majoritairement opposés.
La Cour de cassation a – bien heureusement – réaffirmé son appréciation initiale, rejetant la vision très libérale du fonctionnement des SAS exprimée par deux fois en appel. La haute juridiction énonce que « seul le scrutin majoritaire est en mesure de traduire concrètement cette dynamique collective voulue par la loi ». Il est en effet heureux de constater que la liberté des minoritaires rencontre ses limites là où commence celle des majoritaires.
Lien de la décision : Décision – Pourvoi n°23-16.670 | Cour de cassation