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Gramond & Associés / M&A - Corporate  / La clause d’exclusion privant l’associé de voter sur sa propre exclusion est désormais en partie réputée non écrite

La clause d’exclusion privant l’associé de voter sur sa propre exclusion est désormais en partie réputée non écrite

Par un arrêt en date du 29 mai 2024 et publié au bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision relative au sort des clauses de statuts de SAS privant un associé de prendre part au vote relatif à son exclusion.

En l’espèce, les associés d’une SAS s’étaient réunis en assemblée générale et avaient décidé d’exclure l’un des associés sans que ce dernier ne puisse prendre part au vote, comme le permettait bien la clause d’exclusion stipulée au sein des statuts.

Soutenant que cette décision était irrégulière faute pour lui d’avoir pu participer au vote, l’associé exclu en avait poursuivi l’annulation sur le fondement des articles 1844, 1844-10 du Code civil et L. 227-9 du Code de commerce.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas accueilli favorablement la demande de l’associé exclu. Celle-ci a en effet estimé qu’en application de l’article L. 227-9 du Code de commerce, les statuts d’une SAS pouvaient déroger au principe selon lequel tout associé dont l’exclusion est discutée participe au vote.

Cette lecture n’apparaissait pas incongrue au regard des dispositions du Code de commerce et notamment de l’article L. 227-16 du Code de commerce prévoyant expressément que « dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts [de SAS] peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions ».

Elle s’opposait toutefois aux règles impératives de l’article 1844 du Code civil qui dispose à son alinéa 1er que, sauf dérogations légales, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. En d’autres termes, si l’article L. 227-16 laisse bien aux associés une grande liberté pour fixer dans leurs statuts les causes et modalités de l’exclusion, il ne permet pas pour autant de déroger au principe posé par l’article 1844 du Code civil.

Au surplus, par un arrêt « Larzul 2 » rendu le 15 mars 2023 et largement commenté (Une décision collective prise en méconnaissance de la répartition des pouvoirs telle que résultant des statuts d’une SAS peut être annulée — Gramond & Associés (gramond-associes.com), la Cour de cassation avait indiqué qu’une décision collective de SAS prise en violation des statuts ne pouvait être annulée que si cette violation était «  de nature à influer sur le résultat du processus de décision ». Nous notions à l’époque que les cas de violations susceptibles d’avoir ou non une telle influence n’étaient pas clairement établis. Au cas d’espèce, il n’est pas précisé si la participation de l’associé à la décision de son exclusion aurait pu (ou non) avoir une incidence sur le résultat.

Dans la continuité de sa jurisprudence antérieure énoncée notamment dans un arrêt n°11-27.235 du 9 juillet 2013, la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la cour d’appel ; estimant que la clause statutaire d’exclusion prévoyant l’interdiction pour l’associé dont l’exclusion est envisagée de prendre part au vote devait être réputée non-écrite (ce qui entrainait par voie de conséquence la nullité de la décision d’exclusion).

La nouveauté de cette décision réside dans le périmètre du « réputé non-écrit ». Auparavant, la Cour de cassation considérait (sévèrement ?) que la clause litigieuse devait être réputée non écrite « pour le tout » (dans sa totalité). Il s’en suivait que l’exclusion de l’associée ne pouvait donc être prononcée valablement qu’après modification des statuts, si tant est que ces derniers ne requièrent pas une unanimité pour ce type de décision au risque d’entrainer une situation de blocage.

Aux termes de cette nouvelle décision, la Cour estime désormais que seule la stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite.

En conséquence, les associés pourraient désormais valablement convoquer une assemblée en décidant de ne pas appliquer cette seule stipulation contra legem.

Elie Souffan

Décision : Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mai 2024, 22-13.158 : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 mai 2024, 22-13.158, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)