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La violence par abus de dépendance économique dans les négociations d’un acte de cession de droits sociaux

Ce mois-ci, nous revenons sur un arrêt du 10 juillet 2024 de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 10 juillet 2024, n° 22-21.947), rendu à propos de la violence économique dont les cédants d’une société disaient avoir été victimes.

Résumé de l’affaire : des époux avaient cédé la totalité des actions de leur société. Il était prévu, aux termes d’une clause d’ajustement de prix, que si les capitaux propres de la société s’avéraient, à une date postérieure à la cession, être inférieurs au prix de cession, les cédants reverseraient la différence à l’acquéreur. L’acquéreur avait assigné les cédants en paiement d’une somme au titre de cette clause.

Assignés en paiement par l’acquéreur, les cédants avaient opposé la nullité de la clause pour violence économique (art. 1143 du Code civil). Ils soutenaient que dans une lettre d’intention irrévocable, l’acquéreur avait initialement renoncé à la clause d’ajustement de prix, et que, sur cette base, ils avaient effectué divers actes de restructuration exigés par l’acquéreur. Cependant, alors que tous ces actes préparatoires venaient d’être effectués, l’acquéreur avait de nouveau exigé l’insertion de la clause et ce, moins de deux jours avant la date de signature de l’acte de cession définitif, à une date à laquelle ils ne pouvaient plus revenir en arrière.

Selon les cédants, l’acquéreur, en agissant ainsi, les avait placés dans une situation de dépendance économique, dont il avait abusé en obtenant in extremis un avantage manifestement excessif, en l’occurrence la signature de cette clause d’ajustement de prix.

Décision de la cour : contre l’avis de l’avocat général, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir jugé que l’acquéreur n’avait pas abusé de la situation de dépendance des cédants, dès lors que :

  1. les cédants, qui étaient assistés de leur avocat et de leur expert-comptable, ne démontraient pas avoir tenté de s’opposer à l’insertion de cette clause dans le projet qui leur a été adressé deux jours avant la signature.

  2. par avenant conclu le jour de la signature, les cédants avaient précisé les termes de la clause d’ajustement de prix, démontrant l’existence de négociations sur le prix et donc, qu’ils avaient conservé la faculté de ne pas déférer aux exigences de l’acquéreur.

Enseignements :

  1. La déloyauté d’un candidat à l’acquisition d’une société qui, au dernier moment des négociations, exige des cédants une clause à laquelle il avait pourtant préalablement renoncé, ne suffit pas à caractériser un vice du consentement résultant d’une violence économique, laquelle obéit à des conditions strictes.
  1. L’appréciation de la réalité de l’état de dépendance économique peut s’appuyer sur des éléments postérieurs à la formation du contrat.

Chez Gramond & Associés, nous accompagnons régulièrement les entrepreneurs dans leurs litiges post-acquisition, en veillant à défendre leurs intérêts avec rigueur et expertise.

Rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle publication en matière de contentieux post-acquisition.

Pierre Martin-Graëve