L’agence de voyages n’a PAS à vérifier elle-même la validité des documents administratifs de ses clients
Avant un séjour à l’étranger, un voyageur doit vérifier les conditions d’entrée dans le pays de destination et les mesures à respecter.
Dans cette perspective, avant la réforme du Code du tourisme, il pesait sur le voyagiste une obligation d’information renforcée, puisqu’en vertu de l’article R. 211-4 du Code du tourisme, il devait indiquer à ses clients :
« Les formalités administratives et sanitaires à accomplir par les nationaux ou par les ressortissants d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen en cas, notamment, de franchissement des frontières ainsi que leurs délais d’accomplissement ».
Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2017-1717 et du décret n°2017-1871, transposant la directive du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait, l’alinéa 6 de l’article R.211-4 du Code du tourisme a été modifié et le voyagiste est désormais simplement tenu de donner :
« Des informations d’ordre général concernant les conditions applicables en matière de passeports et de visas, y compris la durée approximative d’obtention des visas, ainsi que des renseignements sur les formalités sanitaires, du pays de destination ».
Selon la doctrine, « le décret du 29 décembre 2017 a allégé le contenu de cette obligation d’information. » (C. Lachièze, Droit du tourisme 2° éd., 2020, LexisNexis, n°237).
Quoi qu’il en soit, déjà sous l’empire de l’ancienne législation, la jurisprudence avait précisé que « l’agence de voyages n’est aucunement astreinte de vérifier par elle-même la validité des documents administratifs de ses clients » (CA Aix-en-Provence, 23 sept. 2002, n°00/07424).
La nouvelle rédaction de l’article R. 211-4 laissait présager le maintien de cette jurisprudence.
C’est ce qu’a confirmé récemment la cour d’appel de Montpellier, en rappelant, après avoir constaté qu’un voyagiste avait « rempli son obligation précontractuelle d’information », que :
« Il ne ressort d’aucune réglementation que l’agence de voyages avait l’obligation de vérifier les documents administratifs de ses clients et de les alerter d’une éventuelle difficulté » (CA Montpellier, 4 juil. 2024, n°22/02756).
Ce principe relève d’ailleurs du bon sens, tout particulièrement au regard du développement de la réservation de séjours en ligne. En effet, en présence d’une prestation de services fournie à distance, si le voyagiste a l’obligation de fournir à ses clients les informations lui permettant de vérifier qu’ils disposent des documents leur permettant d’effectuer leur voyage, il ne lui est matériellement pas possible de vérifier les documents administratifs du client.
La cour d’appel de Versailles avait d’ailleurs rappelé que « les renseignements sur les formalités administratives » peuvent être fournies en invitant le client à « cliquer sur un lien hypertexte » (CA Versailles, 15 févr. 2008, n° 0701076).
A cet égard, il nous semble que l’arrêt rendu récemment par la Cour de cassation, le 25 septembre 2024, n’est pas de nature à remettre en cause ce principe.
Tout d’abord, dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle que le voyagiste avait « satisfait à l’obligation précontractuelle d’information prévue à l’article R. 211-4 du code du tourisme ».
Ensuite et surtout, il apparaît que l’arrêt a été rendu en opportunité, dans le cadre d’un séjour sur mesure, proposé spécialement pour un couple qui avait accepté de payer 19.300 € pour leur séjour.
En effet, il semblerait qu’il soit sous-entendu, justement en raison du prix très élevé de la prestation pour un séjour « spécialement conçue pour » les clients, qu’était implicitement inclus dans le contrat de voyage l’engagement du voyagiste de vérifier les documents administratifs.
La cour d’appel d’Amiens avait d’ailleurs relevé que le voyagiste proposait à ses clients, un « voyage-sur-mesure » et une « expérience l’esprit libre » en ayant « rien d’autre à penser que de profiter de l’instant présent. C’est ce que nous vous garantissons ».
Or, si rien ne justifie de faire peser sur le voyagiste, en dehors de toute stipulation contractuelle une obligation de vérifier la validité des documents administratifs de ses clients, il est évident qu’il en va autrement lorsque le voyagiste s’est contractuellement engagé à effectuer une telle vérification.