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Le constructeur dont la responsabilité décennale est engagée ne peut pas opposer une clause contractuelle excluant les dommages immatériels

Par un arrêt du 7 décembre 2023 (Civ. 3e, 7 déc. 2023, n° 22-20.699), la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité d’une clause par laquelle le constructeur d’un ouvrage avait limité sa responsabilité décennale aux seuls dommages matériels causés au maître de l’ouvrage, à l’exclusion des dommages immatériels.

En l’espèce, une station-service est mise à l’arrêt pendant 4 années en raison de divers désordres.

Le maître d’ouvrage engage la responsabilité décennale du constructeur sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, considérant que l’ouvrage était impropre à sa destination du fait des désordres, et sollicite la réparation de divers préjudices dont un préjudice de perte d’exploitation.

Le constructeur lui oppose alors une clause limitative de responsabilité prévue au contrat excluant sa participation à d’éventuelles pertes d’exploitation.

Dans son pourvoi, le constructeur invoquait le droit commun des contrats, faisant valoir, conformément à l’article 1170 du Code civil, que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur [et] qu’est ainsi admise la clause limitant les conséquences de l’engagement de la garantie décennale, en excluant l’indemnisation de certains préjudices, a fortiori lorsqu’elle engage deux professionnels ».

La Cour de cassation n’est cependant pas sensible à cet argument, et retient que « toute clause d’un contrat ayant pour objet d’exclure ou de limiter les responsabilités légales et les garanties prévues aux articles 1792 et suivants du code civil, est réputée non écrite ».

Par conséquent, le constructeur était tenu de réparer tous les préjudices causés par les désordres entrant dans le champ d’application de la garantie décennale, en ce compris les pertes d’exploitation subies par le maître d’ouvrage.

La Cour de cassation fait céder le droit commun des contrats au profit du droit spécial de la construction, issu de l’article 1792-5 du Code civil qui dispose que « toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite »

Cette décision est à mettre en perspective avec une jurisprudence désormais bien établie de la Cour de la cassation qui considère que, sauf stipulation expresse, l’assurance décennale obligatoire ne couvre pas les préjudices immatériels (voir notamment : Civ. 3e, 11 févr. 2014, n° 12-35.323).

L’autre intérêt de l’arrêt commenté est donc de rappeler aux constructeurs que ce n’est pas parce que l’assurance obligatoire ne couvre que les travaux de reprise de l’ouvrage que la responsabilité décennale serait limitée à ce type de dommage.

Pierre Martin-Graëve