Blog

Gramond & Associés / Contentieux  / Les limites de la garantie bancaire à première demande

Les limites de la garantie bancaire à première demande

Dans un dossier traité par le cabinet Gramond & Associés, représenté par Me Augustin Robert, la Cour d’appel de Paris a rendu, le 30 mai 2024, un arrêt rappelant les limites de la garantie bancaire à première demande consentie dans le cadre d’une cession de parts sociales.

Résumé de l’affaire : l’acte de cession de parts sociales contenait une clause d’ajustement du prix de cession (en fonction du montant des capitaux propres). Par ailleurs, le cédant avait consenti à l’acquéreur une garantie d’actif et de passif, elle-même partiellement garantie par une garantie bancaire à première demande.

L’acquéreur avait appelé la garantie à première demande et la banque lui avait versé les fonds, avant d’actionner la contre-garantie consentie par le cédant. Ce dernier a fait assigner l’acquéreur et la banque afin d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme appelée au titre de la garantie bancaire à première demande. Le tribunal de commerce de Paris avait fait droit à cette demande.

Décision de la cour d’appel de Paris : la cour a confirmé la condamnation de l’acquéreur et de la banque au profit du garant et ce, pour deux motifs :

  • Alors que la garantie bancaire à première demande stipulait qu’elle devait être appelée en adressant à la banque une copie de la mise en demeure envoyée au garant pour mettre en jeu la garantie de passif, l’acquéreur n’avait joint à son appel que des documents ayant trait à l’ajustement contractuel du prix de cession.

La cour d’appel a rappelé que « l’efficacité de l’appel en garantie est subordonnée au strict respect des prévisions contractuelles, y compris de forme, ce respect étant la contrepartie du caractère autonome de la garantie » et elle a jugé en l’espèce que « la société X… n’a jamais adressé à Y… la copie d’une mise en demeure adressée aux époux Z…. visant la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif. Force est ainsi de constater que les modalités contractuelles d’appel de la garantie bancaire à première mande n’ont pas été respectées ».

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui a jugé que l’appel en garantie était irrégulier : lorsque le bénéficiaire avait omis de préciser en quoi le donneur d’ordre avait manqué à ses obligations (Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-12701) ; lorsque le bénéficiaire n’avait pas remis à la banque garante, comme il en avait l’obligation, une copie de la notification écrite envoyée au donneur d’ordre (Cass. Com., 22 mars 20121, n° 09-71690) ; ou lorsque le bénéficiaire ne justifiait pas du strict respect des conditions de forme et de rédaction de l’appel en garantie (Cass. com., 10 février 2015, n° 12-26580).

  • La cour a jugé, en second lieu, que l’appel de la garantie bancaire à première demande avait été manifestement abusif : alors que la garantie bancaire à première demande avait pour objet de garantir l’exécution de la garantie d’actif et de passif, elle avait été appelée pour obtenir le paiement de sommes réclamées par l’acquéreur au titre de la clause d’ajustement de prix.

Or, selon la Cour de cassation, l’appel doit être jugé manifestement abusif lorsqu’il a été formulé en référence à l’inexécution d’un autre contrat que celui visé dans la lettre de garantie bancaire à première demande (Cass. com., 18 avril 2000).

Selon la cour d’appel de Paris, « le motif de l’appel en garantie étant ainsi étranger au contrat au titre duquel la garantie avait été établie, la Cour observe que la société Y… a a détourné la garantie de son objet et a, ce faisant, commis un abus manifeste engageant sa responsabilité ».

La cour d’appel de Paris a jugé que la banque avait également engagé sa responsabilité car elle avait été alertée par le cédant sur l’irrégularité de l’appel en garantie et avait « en connaissance du caractère irrégulier et abusif de l’appel en garantie (…) quand même versé la sommé précitée, manquant ainsi gravement de discernement ».   

Enseignement : cet arrêt montre que si la garantie bancaire à première demande reste la « reine des garanties » en matière cession d’entreprises, elle n’en connait pas moins certaines limites que doivent  connaître l’acquéreur (pour sécuriser son appel en garantie) et le cédant (pour contester, le cas échéant, un appel en garantie irrégulier et/ou abusif).

Chez Gramond & Associés, nous nous engageons à accompagner les entrepreneurs dans leurs litiges post-acquisition, en veillant à défendre leurs intérêts avec rigueur et expertise.

Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain pour un nouvel aperçu de nos interventions en matière de contentieux post-acquisition.

Augustin Robert