Remboursement sous forme d’avoirs : point sur l’ordonnance publiée ce jour
L’ordonnance relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, adoptée par le gouvernement en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été publiée le 26 mars 2020.
1. Conditions d’application
1.1. Contrats et professionnels concernés
Ces dispositions sont applicables :
- aux agences de voyages et aux tours opérateurs pour les contrats portant sur :
- un forfait touristique ;
- un service de voyage portant sur le logement, la location d’un véhicule ou d’autres services de voyage qu’ils ne produisent pas eux-mêmes ;
- aux autres professionnels du tourisme (hôteliers, agences de location de voiture …), pour les services qu’ils produisent eux-mêmes et portant sur le logement, la location d’un véhicule ou d’autres services de voyage ;
- aux associations produisant elles-mêmes un service d’hébergement ou un service de voyage autre que le transport ou la location de voiture.
L’ordonnance exclut de son champ d’application la vente des titres de transports (déjà exclue par l’article L. 211-7 du Code du tourisme pour les agences de voyages et les tours opérateurs, et exclue par l’ordonnance pour les autres professionnels du tourisme).
Il en résulte que les passagers pourront exiger le remboursement de leurs titres de transport annulés par le transporteur à l’origine de l’annulation, mais seulement à lui.
1.2. Résolutions concernées
Les dispositions s’appliquent aux résolutions en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.
Si le client a annulé ou annule en dehors d’un cas où l’exécution du contrat était empêchée par des circonstances exceptionnelles et inévitables (en d’autres termes, le séjour était réalisable), il devra s’acquitter des frais d’annulation prévus au contrat. Les professionnels n’auront aucune obligation d’attribuer un avoir sur les sommes versées.
La notion de circonstances exceptionnelles et inévitables issue de la Directive voyage n°2015/2302 du 25 novembre 2015 (ci-après la « Directive »), transposée dans le Code du tourisme par l’Ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017, n’a, à notre connaissance, pas fait l’objet d’une interprétation par la jurisprudence.
Toutefois, l’analyse du 31° du préambule de la Directive qui parle de guerre, risques graves pour la sécurité ou la santé, ou encore de catastrophes naturelles, ainsi que l’article 3 qui définit les circonstances exceptionnelles et inévitables comme, « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises », permet de considérer que la notion est similaire à celle de force majeure définie à l’article 1218 du Code civil.
Cette approche est confirmée par la doctrine (voir C. Lachièze, Droit du tourisme 2° éd., 2020, LexisNexis, n°319 et J.-D. Pellier, Le nouveau droit contractuel du tourisme, RDC 2018, n° 115m2, p. 414, qui parle d’un « avatar de la notion de force majeure »).
Si, dans son titre, l’ordonnance mentionne les deux notions, ce n’est pas parce qu’il convient de les apprécier différemment, mais seulement parce que certains des contrats concernés seront résolus en application du Code du tourisme, alors que les autres le seront en application du Code civil.
1.3. Une notification de la résolution intervenue entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 inclus
Seuls les contrats dont la résolution aura été notifiée après le 1er mars 2020 et avant le 15 septembre 2020 seront concernés.
Il en résulte que le dispositif ne s’appliquera pas aux annulations notifiées avant le 1er mars 2020.
2. Les effets
- Les professionnels concernés pourront proposer à leurs clients, à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser dans les conditions suivantes :
- Le montant de l’avoir doit être égal à celui de l’intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu ;
- Le client doit être informé sur un support durable au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, pour les contrats résolus l’entrée en vigueur de l’ordonnance, trente jours à compter du 26 mars 2020 ;
Cette information devra préciser le montant de l’avoir, ainsi que les conditions de délai et de durée de validité ;
A cet égard, un courrier ou un courriel sera considéré comme un support durable (sous réserve de garder la preuve de l’envoi), mais pas une lien hypertexte car le contenu peut être modifié ou le lien devenir inaccessible.
- Le client devra accepter l’avoir et ne pourra pas exiger d’être remboursé.
- Le professionnel devra alors proposer au client une prestation de remplacement, afin de permettre l’utilisation de l’avoir.
- La nouvelle prestation devra être identique ou équivalente à la prestation initiale ;
- Son prix ne devra pas être supérieur à celui de la prestation initiale ou à défaut, la majoration ne devra pas être appliquée au client.
Cette prestation « de remplacement » devra être proposée dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution et sera valable au moins dix-huit mois.
Cette obligation pour le professionnel risque d’entrainer des difficultés d’interprétation quant à l’appréciation du caractère équivalent de la prestation. En effet, certains clients pourraient arguer du fait que la prestation proposée n’est pas équivalente, afin d’obtenir un remboursement sans attendre dix-huit mois.
- Par ailleurs, mais seulement si le client en fait la demande, l’avoir pourra être utilisé pour une autre prestation. Si la prestation est plus chère, le client n’aura qu’à payer le solde après déduction du montant de l’avoir et, si la prestation est moins chère, le client devra être en mesure d’utiliser le solde de l’avoir pour une autre prestation.En pratique, si le client refuse la première proposition, le professionnel aura tout intérêt à lui proposer d’autres prestations lui permettant d’utiliser l’avoir attribué.
- Enfin, si à l’expiration des dix-huit mois de validité de l’avoir, celui-ci n’a pas été utilisé ou n’a été que partiellement utilisé, le professionnel devra procéder au remboursement d’un montant égal au solde de l’avoir non utilisé par le client.
Rapport au Président : accédez au lien Légifrance
Ordonnance : accédez au lien Légifrance